Le Luxembourg déploie son dossier médical partagé
Dossier de soins partagé, telle est l’appellation luxembourgeoise de notre dossier médical partagé. La différence ne s’arrête pas là. La méthode, le contexte ou encore la rapidité de mise en oeuvre retiennent l’attention. Explications avec Hervé Barge, directeur général de l’Agence e-santé de Luxembourg, en charge de ce dossier qui repose sur une plateforme développée par Maincare Solutions.
Qu’est-ce que le dossier de soins partagé luxembourgeois ?
Le dossier de soins partagé (DSP) constitue l’un des principaux services fournis par la plateforme nationale de services e-santé développée par Maincare Solutions. Tout comme le dossier médical partagé en France, le service a été conçu pour favoriser les échanges entre les acteurs de santé et permettre une meilleure prise en charge des patients. On y retrouve toutes les informations relatives au parcours de soins d’un patient : résultats de biologie médicale et d’examens d’imagerie, comptes rendus de séjour hospitaliers, etc. Des projets sont en cours de développement, comme la dématérialisation de toutes les prescriptions.
Le DSP, en phase pilote de 2015 à 2017, a vu le jour dans un contexte particulier : la moitié de la population du Luxembourg est transfrontalière, avec des Allemands, des Belges et des Français qui travaillent sur le territoire, mais résident dans leur pays d’origine. En outre, le grand-duché compte une importante communauté portugaise. Le DSP a donc dû assurer une interopérabilité linguistique (luxembourgeois, français, allemand et portugais), ce qu’a permis la plateforme développée par Maincare Solutions.
Autre particularité : le dossier est accessible avec une carte d’authentification forte fournie gratuitement par LuxTrust aux professionnels de santé. Les patients qui disposent de cette carte pour les services bancaires ou l’accès aux services du guichet citoyen peuvent également s’enregistrer sur notre plateforme e-santé. Il n’y a donc pas eu à développer de nouveau système d’authentification, soit un gain financier important.
À quels autres services donne accès la plateforme nationale de services e-santé ?
La plateforme, livrée au 1er janvier 2014, permet aux professionnels de santé d’utiliser une messagerie sécurisée. Grâce à un cahier des charges précis et des décisions rapides, cette messagerie a été opérationnelle dès l’ouverture de la plateforme.
Plus de 6 000 comptes sont actifs depuis son lancement. Par délégation du ministère de la Santé, nous gérons le HPD (Healthcare Provider Directory), l’annuaire des professionnels de santé, de même que le MPI (Master Patient Index), l’annuaire national des patients. Par ailleurs, la plateforme est adhérente à IHE Europe.
Quelle organisation avez-vous mise en oeuvre pour garantir le succès du déploiement de votre plateforme ?
Avec une équipe réduite de cinq personnes à fort niveau d’expertise les 24 premiers mois, nous avons réussi à impulser une dynamique de mutualisation autour du partage d’informations entre professionnels de santé. L’adhésion s’est faite non pas en imposant les solutions, mais par la démonstration de l’intérêt que présente pour eux la plateforme. L’approche doit se faire par les usages, en comprenant les besoins des métiers de la santé, à défaut de quoi l’on s’expose à des blocages et à des réticences. Actuellement l’Agence fonctionne avec 20 personnes.
De quels retours d’expérience disposez-vous sur les services déployés ?
Avant même que le règlement ducal d’application permettant la généralisation du DSP ne soit publié, nous avons déjà enregistré 10 % de DSP. Plus de la moitié d’entre eux sont remplis avec une moyenne de deux documents par dossier, certains en comprenant une dizaine, voire davantage. La moitié des personnes inscrites a plus de 59 ans. La récente convention signée par les laboratoires privés de biologie va contribuer à enrichir rapidement ce dossier. Il faut noter, par ailleurs, que la totalité des établissements de santé sont entrés dans le dispositif. 85 % des cabinets de ville sont déjà compatibles. Une véritable adhésion autour du DSP s’est donc exprimée.
Plus largement, quelle place occupe l’e-santé au Luxembourg ?
De manière globale, le numérique bénéficie dans notre pays d’un engagement fort du Premier ministre qui a lancé en juin 2014 le plan Digital Lëtzebuerg (« Le Luxembourg se digitalise »). Ce programme encourage le développement de nouvelles technologies de dématérialisation, dont l’intelligence artificielle. L’e-santé elle-même bénéficie de plans spécifiques, assortis d’aides financières. Nous sommes aussi très présents sur les programmes européens, dont le prgramme CEF (Connected Europe Facility) qui vise à faciliter les échanges transfrontaliers des données du patient. À noter que le Luxembourg, avec moins de 600 000 habitants, est le troisième pays européen en taux de subvention brute pour ce programme… Ce qui montre notre engagement en faveur de l’e-santé, ponctué par une reconnaissance internationale obtenue en moins de trois ans.
Interview réalisé par DSIH
Hervé Barge animera une Agora e-Santé lors de la Paris Healthcare Week le mardi 29 mai à 10h15 sur la mise en œuvre d’une première plateforme nationale eSanté de services au Luxembourg : objectifs et retours d’expérience.