Les métiers de la logistique hospitalière entrent dans la lumière

Bien loin de la logistique dans le domaine alimentaire ou automobile, la logistique hospitalière est rarement mise en avant. Pourtant, la crise sanitaire en est l’illustration, la gestion des stocks et des approvisionnements s’avère décisive. Jusque-là parents pauvres de l’hôpital, les métiers de la logistique sont plus que jamais sur le devant de la scène.

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« L’Hôpital fonctionne comme une ville »

« Dans un hôpital, on recense environ 200 métiers différents. On pense tout de suite aux blouses blanches, et c’est bien normal. Mais sait-on que l’on peut y faire carrière comme logisticien ? Pas sûr… ».
C’est pourtant la voie qu’a choisie Imad Fakhri, ingénieur en charge de la logistique au GHT Somme Littoral Sud. Car s’ils travaillent souvent dans l’ombre, les logisticiens n’en ont pas moins de lourdes responsabilités. « On dit souvent que l’hôpital fonctionne comme une ville, précise Hélène Sol, directrice adjointe de l’hôpital Alpes-Isère et directrice du pôle Ingénierie-Logistique- Sécurité.
Nous devons avoir un stock de produits permettant de faire fonctionner tous les services de l’hôpital, et pas uniquement les soins ». L’éventail du catalogue est donc incroyablement large : produits sanguins, médicaments et dispositifs médicaux, repas, linge, consommables, courrier…
Et au-delà du matériel, d’autres flux sont également contrôlés. « Notre responsabilité porte sur la maîtrise de tous les types de flux : marchandises, produits de santé, mais aussi patients (transports ambulanciers, brancardage), ainsi que de l’ensemble des flux d’informations associés », précise Ronan Talec, directeur des achats, de la logistique et de l’ingénierie biomédicale au CHU de Rouen.
 

De l'importance d'un WMS performant 

Et justement, sur la question des flux d’informations, la tâche est particulièrement complexe. « Il y a une grande disparité du système d’information, constate Jacques Michel, directeur Business Unit pour la solution Copilote de Maincare Solutions. L’urbanisation informatique est très hétérogène, avec des établissements où cohabitent jusqu’à 25 systèmes d’information et 160 logiciels (et donc éditeurs) différents ». Les WMS (Warehouse Management Systems) tels que Copilote doivent alors faire communiquer les divers circuits. « Pour chaque projet, nous repartons d’une page blanche », résume le spécialiste.
Un travail qui demande une réflexion profonde sur les modes de fonctionnement. Au GHT Rouen Coeur de Seine où une mutualisation logistique territoriale est à l’étude, « nous avons dû élaborer une cartographie des organisations, des flux, des produits et des ressources des différents établissements, souligne Ronan Talec. Et il reste encore de nombreux travaux essentiels pour aboutir, concernant le modèle économique, les prérequis techniques et les impacts organisationnels, financiers et sociaux de ce projet ».
Dans le domaine, pas de modèles préconçus. Alors qu’à l’hôpital Alpes-Isère, on trouve assez peu d’incitation financière à la mutualisation (« Il n’y a pas réellement d’impact économique à la massification », selon Hélène Sol), elle présente, aux yeux de certains, des avantages notables. « Il est nécessaire de développer une vision globale, sur l’ensemble d’un territoire et de mettre en place un échange des bonnes pratiques dans le secteur, argumente Romain Thorel, chef de projet logistique senior à Resah-Conseil, département d’activité du Resah spécialisé dans l’organisation des fonctions achat, logistique et pharmaceutique. Une mutualisation à bon escient permet d’optimiser les organisations en réalisant des gains sur les approvisionnements, sur les achats et d’améliorer les prestations délivrées au patient ». Côté ressources humaines, « on apporte de la polyvalence grâce à la mutualisation des organisations et via WMS fiable, ajoute Romain Thorel. Une plateforme globale va pouvoir uniformiser les process, simplifier la formation des agents et valoriser leur travail tout en contribuant à la performance de la chaîne logistique tout entière ».
 

Crise sanitaire : de nouvelles perspectives pour la logistique 

On le voit, il y a une grande diversité de points de vue sur la question de la mutualisation, qui doit donc se faire « à la carte », en fonction des contraintes de chaque établissement. Mais une chose par ailleurs a mis tout le monde d’accord, et sur de nombreux points : ce sont les enseignements de la crise sanitaire. Tout d’abord, sur la nécessaire digitalisation de la fonction supplychain. « L’outil WMS est apparu comme une évidence pour optimiser la chaîne, mesurer les stocks délocalisés en continu et favoriser les échanges entre approvisionneurs et clients des unités de soins », fait remarquer Ronan Talec.
Au-delà, « cet épisode a fait pousser des ailes aux logisticiens, selon Imad Fakhri. Il donne place à une nouvelle ingénierie des flux ». Il a permis de valider de nombreux projets. « Dans le domaine de la logistique, lors de la première vague, nous avons fait en trois semaines un travail qui aurait pris deux ans en temps normal, résume Jacques Michel. Cette crise nous a permis de déplacer des montagnes ». Et la prochaine montagne à gravir est celle de la vaccination. Nul doute que de nouveaux progrès de la logistique sont encore à venir.

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